Dire l’empreinte de la chose déchue

— Intention pour un exercice de description sur le thème des déchets anodins liés à des choses qui se mangent et boivent et première tentative ––

Décrire le plus minutieusement possible ce qui se passe avec ces objets, tous ces objets, ces choses éphémères et éternelles, telles que les entités plastiques qui traversent fréquemment le quotidien. Décrire l’objet, c’est-à-dire la matière qui le compose, sa fonction, son devenir, les gestes qui s’installent entre cet objet et son utilisateur – moi, son pouvoir spécifique, l’attraction qu’il exerce, l’emprunte qu’il laisse, ce que j’essaie de faire pour éviter sa rencontre, les difficultés que cela pose, les alternatives identifiées. Parcourir la gamme des variations possibles autour d’une même sorte d’objet.  Les attitudes que je remarque chez d’autres, ce que l’on peut en faire d’autre…cela peut vraiment être long. S’en tenir à un certain format, quelques pages tout au plus ? Revenir à Francis Ponge et en faire une matière poétique ? Qu’y a-t-il de poétique là dedans ?

Prototype : Le sachet du biscuit miniature

Assise à une table de la terrasse du café du village, j’envisage avec hésitation le petit sachet. Posé sur la soucoupe près de la tasse de café. Un tout petit sachet scellé aux deux bouts, avec à l’intérieur un unique biscuit. L’emballage est opaque. L’extérieur est orné d’une image de galette sur laquelle, imprimée dans la pâte dorée, apparait en relief le mot « galette ». Il est également écrit galette sur le sachet lui-même, additionné des mentions pur beurre, blé français, et autres informations de ce genre, ainsi que la marque. Au dos, la liste des ingrédients, la mention « ne peut être vendu séparément », le numéro du service après-vente. J’hésite à ouvrir ce sachet, à le laisser là où il est ou bien à le glisser dans mon sac pour une prochaine fois. Finalement je l’ouvre. Est-ce à cause de cette image stylisée de biscuit, cette répétition spectaculaire de la minuscule gourmandise, cette redondance profonde que représente l’image d’un biscuit emballant un biscuit, lui-même miniaturisé pour loger sur le bord de la soucoupe et pouvoir ensuite se tremper sans le casser dans la tasse à café ? Je l’ouvre. Je profite pour cela de l’extrémité dentée du sachet, que je saisis des deux mains, du pouce et de l’index, tirant en sens inverse pour déchirer le plastique fin et souple, difficilement attaquable en dehors de cela. Le coin déchiré du sachet forme un fragment qui s’envolerait facilement, si je ne prenais pas soin de le glisser à l’intérieur de l’emballage, vide, maintenant, dont j’ai mangé le contenu en une ou deux bouchées peut-être, trempé dans le café chaud, je n’y ai même pas fait attention. Le sachet lui-même s’envolerait maintenant, si je ne prenais pas soin de le glisser sous la tasse, qui elle-même, est vide, car j’ai bu le café, en quelques gorgées seulement, je n’y ai pas vraiment fait attention. Je regarde ce sachet vide et je me dis que c’est la dernière fois, que la fois prochaine, je le laisserai là, plein, sur le rebord de la tasse. Et à chaque fois je me dis la même chose. Combien de sachets ai-je ouvert ainsi pour déguster une minuscule douceur avec mon café ? Des centaines, des milliers sans doute. Où sont-ils maintenant ? Quel volume cela ferait-il si je les avais systématiquement fourrés dans mes poches ?

D’autres motifs viendront au fil de l’eau animer cette pantomime, tels le gobelet de carton, l’élastique autour de la botte de radis, l’opercule du yaourt, et ainsi de suite…